Le secret de Vilmorin...
- La rédaction
- 1 juin 2015
- 3 min de lecture

En trois siècles d’existence, malgré plusieurs restructurations, une mésentente familiale, et des difficultés économiques, la célèbre maison Vilmorin, créée en 1743 sous Louis XV, a constitué un patrimoine familial, historique et industriel inestimable. Ce fonds composé d’ouvrages scientifiques, de catalogues, d’aquarelles, et de plâtres moulés représentant une large gamme de fruits, de légumes et de fleurs est d’une grande valeur scientifique et artistique. Cependant, l’héritage est parfois lourd à porter. La société Vilmorin et Cie, propriétaire de la collection, fait partie du groupe Limagrain. Cet important acteur mondial du marché de la semence semble peu préoccupé par la valorisation des oeuvres d’art. Par chance, une gardienne du temple veille depuis plus de trente ans sur cette collection.
La botanique en héritage
Martine Penot, attachée de Direction chez Vilmorin et Cie, tient bénévolement le rôle de responsable du Patrimoine. Un titre qui ne correspond à aucune fonction officielle, mais qui a pourtant une réalité. «Ces documents sont difficiles à gérer. Il faut les entreposer dans de bonnes conditions. Ils sont fragiles et ont besoin de restaurations», explique Martine Penot. «Cela nécessite de l’argent, du temps et une réelle politique de conservation. Nous sommes avant tout des fabricants de semences, pas un musée.» Mais ne nous y trompons pas. Derrière ce dur constat, un brin provocateur, elle n’a de cesse de préserver et de protéger cet exceptionnel patrimoine. Mais jusqu’à quand ? «Personne n’est irremplaçable», prédit l’employée de Vilmorin qui finira un jour sa mission auprès de l’entreprise. «La société s’organise pour prévoir une continuation.» Un musée ? Une dispersion aux enchères ? Des expositions régulières ? Nous n’en saurons pas plus.
Une passion royale

Dès 1766, la boutique Au Roi des Oiseaux et de la Renommée, quai de la Mégisserie, à Paris, édite un recueil en noir et blanc d’une quarantaine de pages. Moins un catalogue qu’un répertoire, il référence la large gamme des variétés de semis et donne des conseils pour les planter à une clientèle férue de botanique. Rappelons que Louis XV a aménagé, quelques années plus tôt, à Trianon, de nouveaux jardins permettant de constituer la plus grande collection botanique d’Europe. Près de quatre mille variétés de plantes, de fruits, de légumes sont rapportées du monde entier par des savants et des voyageurs. Elles sont acclimatées dans les serres chaudes et les bassins de Versailles.
Inspirations pour Dior
À partir de 1880, Vilmorin-Andrieux & Cie va éditer des catalogues en couleurs destinés à vendre leurs produits. Les semences, les fleurs à bulbes, de l’outillage de jardin, des ustensiles d’oisellerie sont représentés par des dessins de très bonne qualité. C’est en feuilletant ces belles illustrations que Christian Dior aurait pris goût au dessin. En hommage, il a souhaité la présence d’une planche Vilmorin dans le musée de Granville consacré à son œuvre. Dès le début du XIXe siècle, les Vilmorin commandent des aquarelles représentant des plantes et des légumes à une douzaine d’artistes telles Élisa Champin ou Joséphine Coutance. Plus de deux mille œuvres sont ainsi réalisées sur près d’un siècle. Une grande partie est aujourd’hui dans la collection de l’entreprise ; quelques exemplaires sont entre les mains des membres de la famille.
Planches et aquarelles
Au milieu du XIXe siècle, la société Vilmorin-Andrieux & Cie est l’un des négociants de semences et de plantes les plus connus et actifs au monde. Présente aux Expositions universelles, elle souhaite communiquer auprès d’un large public plus habitué aux jolies fleurs et aux plantes d’ornement qu’aux bulbes ou aux betteraves potagères. Ainsi, de 1850 à 1895, le fabricant commande, chaque année, auprès de l’éditeur parisien Lemercier, une planche de format 63x48 cm reproduisant l’une des aquarelles. Ces éditions annuelles constituent un album de quarante-six illustrations numérotées. Navets jaunes, choux, carottes et courges composent un extraordinaire hymne végétal d’un intérêt autant botanique qu’artistique. Fragiles, peu sont arrivées jusqu’à nous.

Des légumes en plâtre
Les graines et les semences que vend la société sont, le moins que l’on puisse dire, de petits éléments végétaux difficiles à mettre en valeur. Les Vilmorin ont alors l’idée de représenter le «résultat» des semences : tomates, aubergines, poireaux et autres sont sculptés dans du plâtre peint. Près de deux mille plâtres, véritables sculptures botaniques, vont être ainsi réalisés. Outre ces pièces emblématiques, la collection recèle des revues et des ouvrages scientifiques d’un très grand intérêt.
au secret
Quelques pièces de la collection ont été exposées à de rares occasions (aux Jardins de Bagatelles, en 1999, au Prieuré Saint-Côme et au Musée d’Orsay, en 2001). «Les aquarelles sont fragiles. Elles doivent être manipulées avec précaution et préservées de la lumière», justifie Martine Penot. Si l’imagerie des plantes Vilmorin fait partie de notre mémoire collective, rares sont les personnes à connaître toutes les pièces de ce fonds. Excepté Martine Penot.
Comments